KUNG-FU - L'HISTORIQUE
L'origine du kung Fu trouve racine au monastère de SHAOLIN, le monastère de la petite forêt, construit dans le massif de HAO SHAN SONG sur le mont SHO SI à une trentaine de kilomètres à l'ouest de LUOYANG, la capitale impériale. C'est l'arrivée au temple d'un moine indien, Ta mo, qui reçu le nom de Bodhidharma - l'illuminé - après sa mort, qui semble donner au Kung Fu sa véritable naissance. Lorsqu'il arriva au temple, les moines avaient déjà une solide réputation, ayant déjà repoussé les maintes tentatives de pillage que l'appât des trésors bouddhistes attisait. Après avoir médité neuf années face à un mur jusqu'à réaliser l'illumination, Ta Mo décida de livrer aux moines le fruit de sa richesse ; mais ces derniers étant incapables de soutenir leur attention ou de se tenir immobile plus de quelques minutes en raison d'un état de santé défaillant, l'Illuminé mettra au point une série de 18 mouvements capables d'apporter un remède. Il se basera ainsi sur des mouvements issus d'une forme de boxe indienne, le Vajramusti, sur les principes respiratoires du Yoga, et bien sur les exercices de Hua To, eux-mêmes calqués sur l'observation des 5 animaux (le tigre, le cerf, l'ours, le singe et la grue). Le Kung Fu était né, et Ta Mo est reconnu comme son précurseur, ainsi que celui du Bouddhisme Chan, plus connu de nos jours sous sa forme modifiée au Japon, le Zen.
Mais on ne peut réellement dire que Bodhidharma soit le créateur du Kung Fu. Certes, son apport est essentiel dans le sens où il insiste sur la nécessité de développer le corps en harmonie avec l'esprit pour accéder à la sagesse véritable. Il a ainsi dessiné l'éthique originelle de cet art, qui dès lors tentera toujours d'articuler sa forme martiale (Wu Shu), sa forme gymnique interne (Tai Chi, Qi Gong...), tout en insistant sur les aspects d'hygiène et de santé. Ses leçons ne portaient d'ailleurs pas tant sur l'aspect guerrier des exercices que sur leur nécessité spirituelle ; et c'est également par nécessité que la boxe Shaolin se développera ensuite.
En effet, à la fin du VIème siècle, une bande de brigand attaqua Shaolin, mais un moine mendiant de passage fit fuir à lui seul toute la troupe des agresseurs, grâce au maniement exceptionnel de son bâton. Nommé Jinna Luo, il resta à Shaolin à la demande expresse des moines, et il est dit qu'il est le premier à avoir enseigné son art de combat à un grand nombre. C'est à ce moment que les moines apprirent une véritable technique de combat qui allait leur donner la réputation qu'on leur connait.
A l'aube du VIIe siècle, l'empereur Tai-Tsung demanda de l'aide aux moines de Shaolin dont il était bien connu qu'ils pratiquaient les arts martiaux. L'intervention des moines fut décisive et permit à l'empereur de monter sur le trône. Reconnaissant, il autorisa le monastère à former 500 moines guerriers. Il les dota également de nombreuses terres - 36 000 hectares dont 1000 cultivées, des centaines de nouvelles salles s'ouvriront, le tout animé par plus de 1000 moines, ainsi que les moines soldats !
Tai-Tsung, décrétant que Shaolin etait le "premier monastère sous le ciel", fut pour beaucoup dans l'importance de la renommée et l'impact qu'a pris ce centre dans le développement des arts martiaux et de la philosophie pour plusieurs siècles en Chine. Son rayonnement culturel fut si grand qu'il peut être comparé à l'influence qu'a eue Athènes du temps de sa splendeur sur le monde occidental, même si après Tai-Tsung, Shaolin va perdre quelque peu de sa superbe, faute d'évènements majeurs.
Puis, au cours des siècles, plusieurs noms vont venir illustrer le développement et l'évolution de la technique du Kung Fu à Shaolin ; ainsi, l'empereur Song Tai-Jo lui-même mit au point sa propre technique dans la deuxième moitié du Xème siècle. Il y eut ensuite Y ao Wei, général célèbre pour son habileté au maniement du bâton, qui en partant de mouvements similaires mit au point une technique de combat à main nue, que l'on retrouverait encore aujourd'hui dans le style de Kung-fu dit "système de la griffe de l'aigle". Avec Jinna Luo et Yao Wei semble se confirmer le fait que le Kung Fu originel se pratiquait toujours avec un bâton, et que ce n'est qu'ensuite que la technique a évolué vers les combats à mains nues.
Mais le personnage le plus important après Ta Mo fut sans doute l'Hermite Taoïste Chang San-Fen qui vécut au XIIIème siéc1e. Celui-ci, en observant l'affrontement entre une pie et un serpent duquel le serpent sortit victorieux eût une illumination: il comprit la supériorité de la forme souple, se mouvant constamment de façon circulaire, sur la forme dure, rectiligne et brutale. Il donna ainsi naissance au Tai Chi, premier exemple de technique appartenant au Nei-Cha (style interne) par opposition au Wei-Cha (style externe). C'est également à lui que l'on doit la fameuse phrase "Le but véritable de l'art de la boxe est de prolonger la vie, non d'apprendre à l'écourter prématurément". Mais si l'histoire est jonchée d'exemples prouvant la qualité ou la supériorité de l'une ou l'autre des deux écoles, il ne semble pas judicieux d'opposer systématiquement les deux styles. Une telle opposition stérile en son fondement oublie tout bonnement que dans la philosophie chinoise, tout se retrouve et surtout s'accompli en son contraire, dans le jeu incessant et circulaire du Yin et du Yang; le Kung Fu illustre à merveille la combinaison des deux styles, en alternant dans ses Tao les avancées rectilignes et les mouvements circulaires. C'est au XVIème siècle que Shaolin va briller de nouveau sur tout l'empire. A cette époque, le monastère n'avait plus la magnificence d'à l'époque de Tai-Tsung, mais il en gardait néanmoins une solide réputation. Un jeune moine du nom de Kioh Yuan (ou Chueh Yuan) se rendit à Shaolin pour y être initié aux arts martiaux, mais il fut très déçu de n'y trouver que l'ombre d'une réputation: les moines semblaient avoir perdu leur vigueur et surtout leur art. Kioh Yuan, après avoir demandé la permission au supérieur du monastère, partit alors à la recherche d'un maître susceptible de rendre vie aux arts martiaux de Shaolin. Au cours d'une rixe l'opposant à une demi-douzaine de brigands, il rencontra Pai Yu-Feng et son maître, le vieux Li Chieng, qui lui vinrent en aide avec une aisance et une habileté surprenante. Ces 2 derniers étaient experts dans l'art du combat, et Kioh Yuan leur demanda avec insistance de l'aider à faire renaître Shaolin. Ils acceptèrent, et revinrent tous 3 au monastère. Ce serait Pai et Li qui auraient apporté à Shaolin une méthode de combats très complète basée sur 5 styles distincts: ceux du Tigre, de la Panthère, du Dragon, du Serpent et de la Grue. Ces 5 styles, en rapport avec les éléments fondamentaux correspondent également aux 5 essences fondamentales que l'homme doit développer: le style du Tigre doit entrainer la fortification des os et développer la résistance, le style de la· Panthère développe la force externe, la puissance musculaire, la vitesse, le style du Serpent recherche le développement de la force interne, l'énergie vitale contenue en tout homme (Chi), le style de la Grue met l'accent sur le renforcement nerveux et l'amélioration des réflexes, tandis que le style du Dragon, représentant vivacité et concentration doit nourrir le spirituel.
Ce sera là la structuration la plus concrète du Kung-fu, à partir de laquelle il se développera jusqu'à aujourd'hui, et nous y voyons nettement, à travers les 5 styles présentés ci-dessus, que sa visée, loin de n'être que combattive, est plutôt d'ordre holistique, cherchant le développement de l'homme en harmonie avec son milieu, en alliant techniques souples et dures, matérialité et spiritualité. Toujours est-il qu'à partir de ce moment, la renommée de Shaolin va croître à nouveau, et que le temple deviendra un véritable centre d'entraînement aux arts martiaux, dont la prouesse des experts en faisait une force guerrière non négligeable, voire gênante pour le pouvoir officiel.
En 1664, ce fut la fin de l'empire des Ming, et les Mandchous fondèrent leur propre dynastie, celle des Qing. A partir de ce moment, une ségrégation raciale sera entretenue entre les chinois et les mandchous, et nombre de monastères - au premier rang desquels bien sûr celui de Shaolin ¬accueillirent des personnes dévouées aux Ming et devinrent ainsi des foyers de résistances, des centres d'entrainements préparant le renversement de ce nouvel ordre. Grâce à leur immunité, ils purent entrainer ainsi beaucoup d'opposants au régime qui se confondaient avec les moines. On peut d'ailleurs penser que beaucoup de guerriers s'étant refugiés dans les monastères, ils purent largement contribuer au perfectionnement du Kung-fu, notamment dans tous ses aspects utilisant des armes. Mais la puissance de Shaolin et sa dévotion au régime Ming n'était pas sans inquiéter l'empereur Kangxi, qui décréta l'abolition de l'immunité des monastères; le sort de Shaolin était joué. Ce n'est pourtant que son successeur, l'empereur Youngzheng qui, à partir de 1722, jeta toutes ses forces dans la bataille qui l'opposait au monastère. Malgré une farouche résistance, le monastère fut vaincu devant le déferlement d'innombrables soldats; et il fut détruit et brûlé, bien que sur ce dernier point, il semble que toutes les thèses ne concordent pas.
Tous les moines périrent et seuls 5 d'entre eux purent s'échapper en passant par le couloir de la mort~ Ce couloir, ultime épreuve réservée aux moines qui désiraient sortir de Shaolin avait pour but d'évaluer leur courage et leur technique avant de les laisser partir ; l'issue pouvait en être· fatale~
Il consistait en un couloir obscur où était disposé une série de mannequins de bois (au nombre de 108 pour certains, 18 pour les autres !), qu'un mécanisme actionnait au passage des moines. Ceux-ci devaient alors parer leurs attaques ... ou tomber sous leurs coups. Une fois ce couloir passé, restait encore à dégager la sortie, qui était obstruée par un chaudron chauffé à rouge, lourd de 250 kilos, que l'on ne pouvait déplacer qu'en le serrant très fort par les avant-bras, marquant ainsi à jamais dans la chair des moines, d'un côté le tigre et de l'autre le dragon, rappelant ainsi leur appartenance à Shaolin, à ses enseignements et à ses règles immuables. Les 5 moines passèrent donc ce couloir et s'enfuirent vers le sud tout en essaimant leurs connaissances en chemin. L'histoire du Kung Fu va alors quelque peu se dissocier de celle de Shaolin pour prendre refuge dans les sociétés secrètes qui ont fleuri au fur et à mesure que les monastères accueillaient les opposants au régime Qing. C'est en effet en leur sein que se sont structurées ces sociétés qui profitaient de l'asile pour échafauder des plans contre la domination Mandchoue. Ainsi en est- il de la Triade et du Lotus Blanc, que l'on retrouvera derrière de nombreuses insurrections contre les Qing.
Le monastère de Shaolin fut néanmoins reconstruit rapidement après cette destruction et en 1750, le nouvel empereur Qianlong vint en personne y séjourner 3 jours. Suite à cela, il calligraphia lui-même les 3 caractères de Shaolin Si (temple de Shaolin), qui furent fidèlement reportés sur la planche ornant le linteau de la porte d'entrée. Cette planche qui existe toujours de nos jours, marque la fin de la lutte entre Shaolin et les Qing.
Ce n'est qu'en 1928 que le temple fut cette fois totalement rasé. Cette destruction n'aura rien à voir avec celle consécutive au siège de 1723. Rien ne fut épargné: Shaolin se trouva pris à partie dans un conflit opposant 2 seigneurs de la guerre, cette gent guerrière qui se repaissait d'un régime mortifié par la révolution de 1911 qui avait mis fin à l'empire, et qui en profitait pour semer la terreur partout où ils passaient. La troupe de Fan Zhongxiu se réfugia au monastère, qui fut aussitôt assiégé par celle de Fen Yuxian aux ordres du général Shi Yousan. Le premier parvint à s'échapper avec quelques moines mais Shi Yousan ordonna que l'on mette le feu au monastère. Le feu dura 40 jours et tout fut détruit, temples, salles, tours et archives un désastre culturel, une injure au patrimoine.
Le Kung Fu a quant à lui continué de se développer et de s'enrichir de divers techniques au coeur même des sociétés secrètes et notamment de la plus puissante d'entre elles, la Triade, dont les ancêtres sont reconnus dans les 5 moines ayant réussit à s'échapper du temple. Nous l'avons dit, ces sociétés étaient formées d'opposants au régime Qing, certains étant motivés par leur loyauté envers les Ming, d'autres étant sans doute davantage soucieux de leur intérêt personnel. Toujours est-il qu'ils sont devenus les dépositaires du Kung Fu, qui était pour eux le moyen de lutter par excellence, leurs membres se ralliant au mot d'ordre de "Fu Ming, Fan Qing" (A bas les Qing, restaurons les Ming). La Triade sera ensuite directement impliquée dans 2 grandes guerres civiles de renom: celle des Taiping et celle des Boxers. C'est en 1850, qu'éclate dans le sud la révolte paysanne des Tai Ping, le mouvement de la "Grande Pureté". A sa tête se trouvait Hong Sieou-tian, lui-même dignitaire de la Triade, mais qui décida de fonder sa propre secte, la Pai ChangTi Houei ou "secte des adorateurs de Dieu". C'est à la suite d'une série d'échec aux épreuves d'un concours impérial qu'il rentra dans une fureur noire. Ayant eu des notions du Christianisme au travers d'un missionnaire protestant, il se mit à invoquer Dieu contre Confucius, qui était quant à lui vénéré par la noblesse chinoise. Sa colère bascula rapidement dans une sorte de folie mystique et il se crut investi par le ciel et missionné. Ses écrits révolutionnaires jetteront les premières bases de ce que deviendra l'armée Taiping, et dès 1847, la secte des adorateurs de Dieu comptait 3000 adeptes. En 1850 Hong regroupera son armée et il fit subir un entrainement des plus sévères à ses troupes fanatisées, dont le combat à main nues. Le 11 janvier 1851, Hong proclama l'insurrection et l'établissement des Taiping, Il Royaume de la paix suprême".
Ils allèrent de victoire en victoire et à peine quelques mois plus tard, ils entrèrent victorieux dans Nankin qui fut rebaptisé "Tienkin". Hong devint quasiment le maitre de toute la Chine du sud; il décida alors d'attaquer les Tsing et ils marchèrent vers Pékin. L'armée impériale entra dès ce moment directement en guerre contre les Taiping, qui furent pour la première fois en difficulté lorsque les troupes mandchoues encerclèrent la ville de Tienkin. Pourtant, ce sont les mandchous qui furent défaits, ce qui n'accorda que plus de crédit aux Taiping, qui se mirent en route vers Shanghai. C'est ce moment que les troupes occidentales choisirent pour rentrer à leur tour dans le conflit; l'aubaine était belle d'attirer à soi les faveurs des Mandchous et à terme, l'ouverture économique sur un marché aussi vaste que l'Europe.
Malgré leur impressionnante puissance, les Taiping subirent d'énormes pertes lors de leur marche sur Shanghai, et au bout du compte, cette expédition leur fut un terrible échec. Après cela, les troupes de Hong furent pourchassées, et Tienkin à nouveau assiégée. La capitale céleste ne put se défaire de l'étreinte des troupes impériales. Le 1 er juin 1864, Hong meurt et à peine plus d'un mois plus tard, le 19 juillet 1864, la capitale tombe sous les troupes mandchoues.
Cette insurrection, considérée comme la plus vaste jacquerie de l'histoire du monde, comptera à son apogée plus de 20 millions de membres et de sympathisants. Pourtant, elle annonce une guerre civile plus importante encore qui verra le jour cette fois dans le nord de la Chine en 1900, et que l'on connaitra sous le nom de révolte des boxers.
Après la destruction des Taiping, les sociétés secrètes se reconstituèrent rapidement, recrutant toujours parmi les opposants aux Mandchous. A la fin du XIXème siècle, la société la plus dynamique était celle du "Yi Ho-K'iuan", "Les poings de la justice et de la concorde", ce que les européens ont traduit par "le parti des Boxeurs". Très active, cette secte s'entrainait également au Kung Fu sous toutes ses formes, et était connue pour ses activités contre les Tsing. Il régnait une discipline très stricte dans cette confrérie, et ses adeptes n'hésitaient pas à faire des démonstrations de force pour galvaniser l'esprit populaire. Ils eurent d'ailleurs une très grande popularité auprès d'une population opprimée par un pouvoir brutal, et leur démonstration de force leur donnait souvent l'occasion d'enrôler de nouvelles recrues.
Le gouvernement chercha en vain à étouffer cette rébellion, car dès qu'ils arborèrent le drapeau d'extermination des Tsing et des étrangers, nombres de paysans et de villageois créèrent des endroits où était pratiqué le Wushu, ce qui contribua au rapide développement de l'organisation des boxers.
Conscients du danger qu'ils pouvaient représenter, les mandchous s'arrangèrent pour détourner leur hostilité non sur leur propre pouvoir, mais contre les diables blancs, alors en nombre important dans toutes les grandes villes chinoises. L'influence grandissante des blancs, tant économiquement que spirituellement (les occidentaux cherchaient à convertir les chinois au christianisme), excita la xénophobie chinoise, qui prit pour principale cible leur influence et le pouvoir grandissant de l'église.
Au cours de l'été 1900, les boxers envahirent Pékin sous le consentement tacite de l'impératrice Tseu Hi, et firent le siège des légations occidentales où se réfugièrent les communautés blanches. Le siège dura 55 jours, mais les légations furent libérées par une colonne de secours occidentale, et les boxers exécutés publiquement sous les ordres de la même Tseu Hi, qui vit là un moyen de renouer avec les colonies étrangères. A partir de cette trahison ouverte, l'opposition aux Mandchous se fit plus vive que jamais dans les sociétés secrètes qui se mirent à pulluler. En mars 1902, les boxers reconstitués vont déclencher une insurrection armée de grande envergure qui obligera l'impératrice à envoyer des troupes pour les réprimer. Malgré une âpre lutte le mouvement fut étranglé et seuls quelques hommes purent s'enfuir.
Puis se prépara la grande révolution de 1911, qui conduisit à défaire la dynastie Mandchoue au printemps 1912, ceci sous l'impulsion de Sun Yat-sen, qui organisa la première république' chinoise. Il n'est d'ailleurs pas surprenant d'apprendre que Sun Yat-sen était lui-même un membre des plus actifs de la Triade, dont il développa une branche à Hong-Kong aux heures de la clandestinité.
Ensuite, ce fut de terribles guerres civiles qui enflammèrent le pays, faute d'un pouvoir suffisamment fort. Les sociétés se désagrégèrent faute de motivation, certaines s'acoquinant aux seigneurs de la guerre, d'autres se transformant en véritable syndicat du crime, allant même jusqu'à s'expatrier. Dans ce tumulte, l'intérêt pour le Kung Fu va peu à peu s'estomper, celui-ci ayant montré son infériorité guerrière face aux armes à feu. Pourtant, à la fin de la 2ème guerre mondiale, il était encore pratiqué dans 2 associations, et également à la campagne et à l'armée. Cet art était connu sous l'appellation de Kuo Shu (art de la nation), tandis que maintenant, nous l'appelons Wu Shu (art martial).
L'arrivée du Grand Timonier en 1949 va encore donner une autre tournure aux évènements: il fallait réviser les idéologies traditionnelles. Les écoles de Wu Shu furent donc fermées et les maîtres obligés de se recycler. Cependant, dès 1956, l'enseignement du Wu Shu va être rétabli dans les universités, et la reprise sera d'autant plus décisive à la mort de Mao, en 1976.
Depuis, le Kung Fu a su retrouver ses lettres de noblesses et surtout, il a su rompre avec un passé chaotique, qui l'avait transformé en un outil de révolution, un art de guerre et de destruction bien plus qu'en un moyen d'accéder à l'harmonie. Il reste que son occidentalisation porte davantage sur son aspect martial et externe, que sur un aspect interne qui, il est vrai, fait néanmoins fureur depuis quelques années, non sans s'être coloré au préalable de quelques teintes New Age très à la mode.
Aujourd'hui, le temple Shaolin revit grâce aux autorités chinoises qui accordèrent sa reconstruction sur les ruines de 1928. Les moines ont repris la pratique quotidienne du Kung Fu sous la direction de Shi De Yu.
A travers un historique tumultueux, nous nous rendons compte que la richesse du Kung Fu est du à sa diversité; car sous cette appellation générique, on ne trouve pas réellement d'homogénéité. Le Kung Fu regroupe en fait un ensemble de techniques très différentes les unes des autres, que ce soit les styles du sud et du nord, les styles internes et externes, les pratiques méditatives et celles de combat etc. .., il en va ainsi de toute sa genèse. Nous pouvons d'ailleurs nous amuser à constater qu'en son fondement philosophique, il est issu d'un syncrétisme religieux tout à fait original: d'une part il articule des données philosophiques taoïstes, avec notamment le jeu des contraires Yin et Yang, chacun se retrouvant en son opposé grâce à l'unification du Tao, des exercices de respirations et de contrôle de circulation des énergies et un intérêt énorme porté au corps. D'autre part, il doit beaucoup aux techniques de Yoga venues de l'Inde avec entre autre les Asanas (postures énergétiques) et les Anâpânas (technique respiratoires régulières et profondes, qui s'opposent à la rétention respiratoire prônée par les taoïstes). Ainsi, il devient représentant du bouddhisme (mais d'un bouddhisme bien chinois qui n'a rien à voir avec le bouddhisme indien ou même tibétain). Enfin, nous reconnaitrons à travers l'incessante interaction des représentants du Kung-fu dans les affaires de l'état (l'intronisation de Tai-Tsung; les prises de position pour les Ming contre les Qing et plus tard les Tsing), interaction d'ailleurs toujours plus ou moins motivée par des soucis spirituels, un trait tout à fait particulier du confucianisme, dont l'intérêt pour les affaires sociales a toujours fait objet de religion.
Sans doute est-ce cette pluralité d'intérêt qui a permis au Kung Fu de renaître de ses cendres à plusieurs reprises, pour revenir en force aujourd'hui tant dans les pays asiatiques qu'occidentaux. Mais sincèrement, faut-il s'en réjouir ou non ? Certes, il est de nos jours possible de faire un stage à Shaolin et de toucher l'art à sa racine; il suffit pour cela d'acheter une revue d'art martial, qui donne les adresses dispensant de telles formations. Mais on doit garder à l'esprit que des arts aussi nobles que le Karaté ou le Judo ont été totalement dénaturés par l'esprit occidental, qui y a projeté sa suffisante supériorité en misant avant tout sur le résultat compétitif en laissant de côté la Voie; et les nations non occidentales ne sont pas moins coupables d'avoir relevé le défi sans en souligner la limite.
Il pourrait sembler que le Kung Fu, tout du moins dans un premier temps, a pris lui aussi cette trajectoire, D'autant que les chinois, fins diplomates et redoutables marchands, ont vu très rapidement leur intérêt dans l'engouement pour le Kung Fu dont a fait preuve le monde occidental, aussi vendent-ils habilement leur savoir-faire sans pour autant toujours donner la possibilité d'une profonde connaissance de l'Art. Sans doute est-ce là un moyen de préserver une sagesse ancestrale face aux fous que nous sommes. Mais c'est aussi un moyen de cultiver et d'entretenir un pouvoir sur l'autre que de ne pas lui donner les moyens de la connaissance.
Cela dit, le Kung Fu a déjà absorbé bien d'autres déboires, gageons qu'il saura survivre à notre temps. Et puis Kung Fu veut bien dire "Homme Libre" ou encore "Homme Accompli". Ce n'est donc pas un temple ou une fédération qui sera garant de sa survie, mais la prédisposition de chacun à cheminer en lui-même, à accepter les conditions de sa propre liberté, de son propre accomplissement, bref, de son illumination. C'est cela qui est immortel, c'est en cela que le Kung Fu est immortel.
" L’enseignement d’un art martial a une double responsabilité : Enseigner une discipline (technique) et transmettre un Art (esprit). Dans Art Martial, il y a deux mots qui sont lourds de signification : Martial qui se rapporte à la guerre et Art qui se rapporte à l’esprit."
武術教學有雙重責任:傳授一門學科(技術)和傳授一門藝術(精神)。 在武術中,有兩個字,意味深長:武,與戰爭有關;術,與精神有關